mardi 14 août 2012

Une RSE de malade mental !

Épisode tragi-comique de l'été, le groupe Bel, par sa marque Babybel à dû gérer un bad-buzz suite à une promotion appelée "des vacances de malade mental".
Comment est-ce encore possible ?

Opération de promo pour le moins mal acceptée par l'UNAPEI, une association représentative des parents de handicapés mentaux, qui a appelé au boycott des produits du groupe Bel.
Rapidement, la marque a du sacrifier au rituel de contrition de rigueur dans de tels cas : 
- excuses officielles
- retrait des produits en magasin
- promesse qu'à l'avenir, bla bla bla…

Et chacun imaginera bien ce qui s'est passé en interne :  
- évaluation de la perte financière et d'image
- désignation d'un ou plusieurs responsables
- et une agence qui doit se demander comment un concept au d'jeuns a-t-il pu subir pareille avanie !

Comment avoir pu oublier à ce point que le politiquement correct avait gagné !
L'idée n'est pas de discuter du bien fondé ou pas du conflit lui-même. Encore moins qui a raison ou tort.
Car cela fait bien longtemps qu'on ne peut plus employer certains mots, fussent-ils simples, ou certaines images.

Pour mémoire, vous et moi avons dans nos portefeuilles des "cartes électorales" au lieu d'avoir des cartes d'électeurs qui auraient -ô comble du machisme le plus vil- foulé au pied les électrices. Ou que le concept "d'apparence musulmane" a été récemment lancé, tant il est raciste de dire "arabe" qui, selon mes dernières informations, n'est toujours pas un mot grossier. 
Je passe sur les classiques : mal-entendant, mal-voyant, de petite taille, de couleur, senior, jusqu'à Mademoiselle qui n'a plus le droit de cité.

Nous sommes donc dans l'ère du politiquement correct et de la bien-pensance, enfants méprisables et polymorphes issus du croisement improbable entre le puritanisme et la judiciarisation à tout va.

Mais qui peut encore en douter ? Et passer outre ? Même (surtout) dans les agences de com, ça doit se savoir non ? 
Pour mémoire, regardez ce spot de Ford, daté de 1997. Oui 1997, l'époque des Francs, des pantalons taille haute et seulement 10 ans après la déclaration de Bruntland !
Hé bien cette pub avait été retirée des écrans parce que je ne sais plus quelle association interprofessionnelle de fabricants de futs métalliques avait estimé que l'image du fut (oui je sais ça donne envie de rire) était maltraitée par ce spot.
Pire ! Un tribunal lui avait donné raison.
1997… alors depuis le temps on devrait savoir. Ca doit même s'enseigner à Sup de Pub non ?

Mais que fait la RSE chez Bel ?!
Mais le vrai problème, à mon sens, n'est pas là.
Le problème, c'est que Bel affiche une démarche RSEQui inclut la communication responsable bien entendu.
Je ne prétends pas juger de la qualité de la démarche de Bel. À quel titre le ferais-je ?
Je suis même certain qu'elle est sincère, aux mains de personnes compétentes, portée par les plus hautes instances du groupe, etc.

Ce qui m'étonne -en fait non, pas vraiment-, c'est la certitude que j'ai que le service RSE n'ait pas eu accès en amont au projet de cette promotion.
Car si cela avait été le cas, je suis certain que Madame Gaulard, aurait dit quelque chose comme "attention les amis, parmi nos parties prenantes, il y a les consommateurs. Parmi les consommateurs il y a les handicapés. Parmi les handicapés il y a des handicapés mentaux. Parmi eux, certains ont même des parents pour qui c'est pas rose tous les jours… hmm, quelle palette de réponses donne-t-on si on nous interroge sur l'utilisation décalée, mais d'jeun's j'en conviens, de "malade mental" ? Préparons nos arguments, complétons la campagne par un don ou une action vers une association représentative… bref, calons une réunion pas trop tard pour être au clair avec notre RSE, en particulier notre action vers l'emploi handicapé".

Bon OK elle l'aurait dit mieux que moi. 
Mais je parie ma collection capsule de bières sibériennes que sa contribution à la com "responsable" (celle qui donne des réponses) aurait ressemblé à ça.

Je parie aussi que le service en charge de cette promo ne s'est même pas posé la question une seconde. Bah oui, chacun son métier non ? À la RSE le papier recyclé des copieurs, au marketing les idées… 
Bah non en fait. Cela prouve une fois de plus que la RSE n'est pas -encore ou assez- intégrée au business-model. Que les process vivent parallèlement.
Et qu'il y a quelqu'un, supposé manager l'ensemble qui a cautionné le tout.

Mais que fait la RSE chez Bel ?! 
Elle fait comme dans beaucoup d'entreprises françaises?
Elle cherche sa place. Elle continue de regretter de n'être consultée qu'en aval. D'être un truc très sympa, un peu obligé quand même, mais que le Président aime beaucoup, il l'a dit lors de la dernière convention pendant la semaine du développement durable.

Mais elle regrette surtout, que malgré les publications, malgré les séminaires, malgré les déclarations, pas grand monde ne comprenne que c'est de la culture et de la pratique des métiers dont il s'agit. Et que les engagements et les sites peuvent être le mieux faits au monde, une simple anicroche peut gâcher le travail de fond de plusieurs années.

Et en plus, on ne sait toujours pas pourquoi la Vache Qui Rit rit… un truc de ouf.
Oh pardon !…