vendredi 17 mai 2013

Abercrombie & Fitch, la RSE vous déplaît ?


La polémique toute récente autour des déclarations de Mike Jeffrie, patron d'Abercombrie et Fitch sera particulièrement intéressante à observer, tant elle recèle tous les ingrédients du cocktail communication et responsabilité.

Alors bien-sûr, il sera de bon ton de s'insurger dignement, au nom de valeurs morales politiquement correctes, du fait que cette marque américaine au nom à peine prononçable, refuse de produire, donc de vendre, des produits à des personnes dont les standards physiques desserviraient la réputation de la marque.

En oubliant au passage que la sélectivité chez les marques, c'est pas franchement nouveau…

Allez, qui n'est jamais allé au Mondial de l'Auto en bavant secrètement sur les stands de voitures de sport, jalousement délimités par des clôtures en velours, surveillés par quelques dissuasifs vigiles, cerbères en costumes sombres veillant d'un œil méprisant sur un monde idéalisé peuplé de véhicules de rêve… et d'hôtesses sexy ?

Qui n'a jamais agité son "invitation Top VIP" pour accéder en "avant-première exclusive" aux soldes de je ne sais quelle marque branchée (ou pas) ?

C'est tout simplement une segmentation marketing autrefois appelé "le marketing de la rareté", aujourd'hui "marketing de l'exclusivité" possible quand l'entreprise a un bon CRM. 
Rien de neuf sous le soleil donc.

Le tort de Mike Jeffrie ? La transparence. 
Enfin le tort, nous verrons bien… mais le patron de la marque assume sans ambiguité le positionnement de sa marque, la vision de son marché et une belle connaissance de ses clients.
Certes, il le fait avec une dose de cynisme, voire de mépris, assez inhabituelle, mais de manière cohérente avec ses objectifs.
Mais il le fait ! Il répond aux questions, reproches, accusations de manière directe et transparente.

Quelle marque peut afficher autant de franchise ?

La morale ou le politiquement correct ne font pas la marque. En tout cas ils ne génèrent que très peu de valeur. Ca ne paye pas !
Et c'est logique, ce sont des valeurs, donc elles ne sont pas universelles. Dans un contexte mondialisé depuis belle lurette, elles ne seront jamais les mêmes pour tous ! 

Nous savons tous pertinemment que la valeur d'une marque, et a fortiori celle d'une marque de vêtements de prêt à porter, n'est pas vraiment contenue dans la matière première et la quantité de travail qui les composent…
La valeur de ces marques est très majoritairement immatérielle : design, tendance, innovation, positionnement marketing. Bref, capacité à générer du désir pour ne pas dire de l'affection.

On ne porte pas un t-shirt : on porte un Ralph Lauren, un Lacoste ou un Abercombie.
De la même façon qu'on allume son Mac, qu'on conduit sa Porsche ou qu'on enfourche son Harley pour aller se faire un McDo.
Et, à date, on ne force personne à le faire…

Le risque ? Une pression qui nuirait au business. 
Mais tout n'est pas si simple. Construire la réputation et la valeur immatérielle d'une marque demande du temps et des investissements, eux bien matériels. La détruire demande quelques jours.

Et ceux qui peuvent la détruire, ce sont les parties prenantes.

C'est le moment ou j'y vais de mon rappel de ce qu'est, à mes yeux (mais pas que), la RSE : 
Deux appréciations s'opposent. 
La vision Bisounours dans laquelle l'entreprise "cherche du sens", fait du "bien", du "bon", "réinvente" ou "ré-enchante" la vision de son métier, bla bla bla…
Ces bonnes résolutions de premier janvier ne survivent en général pas au premier toussotement économique de l'entreprise. C'est à dire quelques mois. 

Puis il y a la version connectée au business. Celle qui considère que la RSE est faite des interactions issues des pressions entre les parties prenantes et l'organisation.
Pas de pression… pas de réponse. Voir le billet sur la matérialité publié sur ce blog.
N'oublions pas que la première pression et la première responsabilité de l'entreprise, c'est de faire du profit. Pas de profit… pas d'entreprise !

La responsabilité de l'entreprise, c'est d'être en capacité d'apporter des réponses satisfaisantes à des exigences -potentiellement impactantes sur le business- des parties prenantes.

A partir de ce moment, la vraie question qui se pose, et qui sera intéressante à observer, c'est de savoir si les différentes pressions qui vont s'exercer sur A&F seront suffisantes pour générer un risque sur le business… ou une valeur supplémentaire auprès de sa partie prenante N°1 : ses clients.

Les générateurs de pressions seront la clé
Boycotts, manifestations, vidéos sur Youtube, articles de presse, lois et réglementations, saturation de la page Facebook, prise de position de leader d'opinion,… les pressions possibles sont nombreuses et, nous le savons tous, diablement efficaces (merci le web 2.0).

Et Mike Jeffrie, comme tous les autres, est bien incapable de prédire aujourd'hui ce qui va se passer dans les jours et les semaines à venir. 
En se croyant plus gros, plus organisés ou plus à l'abri, certaines grandes marques ont du céder du terrain face à Greenpeace ou d'autres. Zara, Nestlé, Dove et quelques autres ne me démentiront pas.

La capacité des parties prenantes à générer un risque sur le chiffres d'affaires ou la valeur boursière de l'entreprise est donc la seule inconnue à ce jour.

  • Une ONG influente va-t-elle faire bouger les choses ?
  • Une loi anti-discrimination dont les américains sont friands va-t-elle s'appliquer ?
  • La presse va-t-elle focaliser sur A&F ?
  • Un film Youtube va-t-il modifier les habitudes de consommation ?

Bien malin celui qui pourra le dire à ce jour.
A&F joue donc un coup de poker. Soit la pression est efficace au sens où elle génère un risque sur le business, soit elle ne le fait pas, soit elle génère… encore plus d'exclusivité donc de valeur auprès des aficionados de la marque.

Mais reconnaissons à Mike Jeffrie au moins une qualité : il est responsable dans le sens où il apporte une réponse aux questionnement de ses parties prenantes.

Il n'a pas nié, il n'a pas louvoyé, il a été très réactif (quelques jours pour réagir), il a été honnête et il a exposé un business-model qui, à date, fonctionne bien.

Cynique la RSE ?…

vendredi 25 janvier 2013

RSE sans matérialité ? Sérieusement, c'est encore possible ?

Depuis la sortie de la norme ISO 26000, la RSE se professionnalise. 
Nous passons rapidement "d'engagements développement durable" convenus, copiés les uns sur les autres à un "reporting RSE" dont les figures imposées -mais spécifiques- sont désormais : normes, standards, vérifications, certification, périmètre, intégration et matérialité.

Tant mieux ! Laissons loin derrière nous les incantations, les visions éthérées et les poncifs pénibles qui ont laissé croire que l'entreprise pourrait se détourner de la recherche vitale de profit pour devenir des bisounoursland dans lesquels l'homme serait enfin au centre. Au centre d'on ne sait quoi, d'autant plus qu'on ne saurait dire exactement où il était avant ? 
Franchement, c'était beau. On y a tous cru un moment non ?

Matériali…quoi ?
Oui, en général c'est la réponse que vous recevez quand vous lâchez ce mot en réunion.
J'en vois déjà un ou deux dont le visage se fend d'un demi-sourire en me voyant prendre la parole sur ce sujet.
Ils doivent se souvenir que, il y a encore quelques semaines, je demandais en mode panique à qui voulait bien me répondre ce qu'était l'analyse, ou pire, la matrice de matérialité dans une démarche RSE…
S'ils me voyaient maintenant faire le malin en réunion, le sourcil gauche relevé de celui-qui-sait-et-qui-veut-bien-vous-dire-parceque-c'est-vous, stylo en main, graphique négligemment lâché sur un bloc-note, que personne ne relira jamais, secrètement heureux de constater que son explication a eu autant d'effet pédagogique sur son auditoire que celle d'un Godard faisant le pitch de son dernier film sur France Culture un soir de grève de l'ORTF.
Mais ça c'était avant.
Avant que j'aie à l'expliquer aux étudiants de l'USQV
Mais c'est une autre histoire.

Vous échappez au bloc note, mais j'ai un graphique sous la souris
La matérialité c'est le réalisme, la cohérence, de la démarche RSE d'une organisation.
C'est la mesure la plus précise possible de la pression sur le business qu'applique une partie prenante, donc du besoin ou pas que l'organisation a de tenir compte de cette pression.
Autant dire qu'il faut déjà connaître ses parties prenantes (via une cartographie) mais aussi jauger de l'influence, donc du risque, que chacune fait courir à l'activité (car il s'agit bien de ça non ?) et définir logiquement la démarche RSE, donc stratégique, de l'entreprise en fonction de ces informations.

En plus simple. Si on construit des voitures, on a un arsenal de réponses face aux problèmes de pollution au diesel, de sécurité routière, de possession vs usage et que sais-je encore. Mais le bio à la cantine, le papier recto-verso du copieur du service com et la page intranet sur le co-voiturage que personne ne consulte jamais, ne font et ne feront jamais office de stratégie d'entreprise ayant intégré les signaux forts liés à son activité automobile.

Je peux faire la même sur l'alimentaire, l'énergie, l'informatique et la fabrication de bilboquets.
Non ? 
Pourtant le bilboquet, ça gagne à être connu.

Encore trop peu de matérialité dans ce monde de douceur…
Le constat s'impose : peu d'organisations ont publié sur la matérialité. Une recherche sur le web renvoie à Total, Sanofi, SFR, Orange. Avec des approches assez différentes.

Admettons que c'est encore nouveau, tendanciel. 
Admettons aussi qu'on arrivait tout juste à comprendre l'immatérialité de l'entreprise et que maintenant, c'est le tour de ma matérialité !
Admettons…
Mais rater le coche en 2013 sera une erreur.
Et c'est assurément une compétence à maîtriser rapidement par les prestataires RSE qui ont en charge le reporting de leurs clients. Ils devront non seulement maîtriser le sujet ( le sourcil gauche restant une option) mais aussi pousser leurs clients à réaliser l'analyse de matérialité. 
Du bon travail en perspective. Qui osera encore parler de crise ?… 

Car au final, ce qu'il ne faudra plus voir, c'est ça ! 
Faut-il ajouter des commentaires à cet affligeant exercice de "journalisme" ?
Si la réponse est oui, il y a des cases pour ça en bas !

Merci Marion !
Quand on est un gentil garçon poli comme moi, on mouche son nez et on dit merci à la dame.
La dame en l'occurrence, c'est Marion Dupont qui me fait l'honneur de suivre ce blog et qui a produit une très bonne analyse de tendance sur le reporting RSE.

Je vous invite à lire ce billet autrement plus instructif que les incantations gouroutesques de ceux qui veulent faire subir aux Mayas les derniers outrages à la Gaité Lyrique un soir de décembre. Persistant dans leur posture religieuse à cantonner la RSE dans le seul registre du bien ou du bon avec une facilité à manipuler les foules qui me fait froid dans le dos autant qu'elle m'énerve.
Ça, c'est fait. Il me reste quoi…

Ah oui, bonne année 2013 !

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Mise à jour : 14 février 2013
Un très bon billet, exhaustif et clair, de la part de Maël Delemotte sur son blog Stratégies RSE
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jeudi 18 octobre 2012

Mauboussin invente le concept de Low luxe… et la com qui va avec !

Offrir un vulgaire plein d'essence pour récompenser -ou déclencher ?- l'achat d'un bijou de marque.
C'est la dernière promo de Mauboussin, qui, visiblement, ne craint ni le mélange des genres, ni les effets induits d'une idée aussi fumeuse (oui je sais…).


Le logo vaut lui aussi le détour !
Je dois l'avouer, j'ai entendu ce matin la pub radio dans un état semi-comateux. J'ai d'abord cru que je comprenais mal, ou qu'il s'agissait d'un canular radiophonique digne de la médiocrité dont seule la bande FM est capable ! 
Mais non ! C'était bien Europe1. Une vérification s'est vite imposée. 
Avouons-le, nous sommes gâtés…

La rupture selon Mauboussin… un vrai concept !
Au grand dam de celle qui, à date, accepte encore de partager ma vie de consultant dépourvu de l'option "méga-chasseur-de-clients", le monde du luxe m'est assez étranger. Pour ne pas dire fermé.
Sauf si "Le Manège à Bijoux en fait partie.
Non ?… Sûr ?
Bon d'accord.

Cela dit il me semble avoir lu, entendu ou constaté que Mauboussin tentait une démocratisation du luxe : prix d'appel, vente par des sites de destockage, soldes, etc.
Des soldes place Vendôme ! La décadence n'est décidément pas loin… pourquoi pas des promos ?!
Hé bien la promo, Mauboussin l'a osée ! 
C'est assez unique et complètement en rupture avec les codes habituels du secteur. Et la rupture ça peut marcher. 
Il n'y a rien à reprocher de ce point de vue à la marque à l'étoile qui, finalement, invente le concept de "low-luxe" : les valeurs du luxe, les pratiques de la grande distribution. 
Il fallait y penser. Il fallait le faire.
Il fallait même oser proposer un plein d'essence contre un bijou
Pas un bouquet de fleurs, pas un service voiturier, pas un chippendale pour porter les sacs, pas un bon pour un soin en institut… trop luxe. Trop attendu.
Non, un bon vieux plein de gas-oil. On se prendrait à rêver d'y ajouter la vérification des niveaux et un coup sur le pare-brise, mais non. Sans doute, serait-on allé trop loin. 
Bref, la RU-PTU-RE ! 

Ou alors, il y a un message plus subtil. L'essence devient un bien rare, donc cher et, pour pas mal d'entre nous, un vrai produit de luxe.
Avant de porter les jerrycans en sautoir, on les offre en récompense.
Le logo, -ne riez pas-, semble même confirmer cette piste.
Hmm… ce serait donc si simple…

Fort bien, fort bien. Fallait-il pour autant négliger le reste ?

Et la responsabilité selon Mauboussin ?
Je n'ai rien vu sur le site. Ni ailleurs.
Mais je sais, parce que moi aussi j'ai vu Blood diamonds, que le monde du luxe ne s'approvisionne plus en pierres précieuses issues de pays qui s'en servent de monnaie d'échange contre des armes.
Blood diamonds, très bon film dans lequel joue Leonardo di Caprio, qui, dans la vie civile, est un des chantres les plus visibles de la voiture électrique, notamment de la Prius.
Chez Mauboussin (je n'ose imaginer une agence derrière…) on aurait dû s'inspirer de l'engagement de la star américaine.  
Et comprendre qu'offrir un plein c'est offrir en même temps "offrir" : 

  • les pollutions qui vont avec,
  • le carbone et autres gaz à effet de serre qui vont aussi avec (même si le diamant c'est aussi du carbone…),
  • l'idée qu'il faut continuer de se déplacer en ville (oui, Mauboussin n'a pas encore tenté les centres commerciaux de banlieues) en voiture,
  • les 40000 morts annuelles dues au diesel dans nos villes,
  • le heures perdues dans les encombrements,
  • la mortalité routière,
  • etc.
Finalement, Mauboussin a la rupture irresponsable et c'est bien dommage.
En relevant un peu le nez, le groupe aurait pu constater que d'autres géants du luxe ont engagé une démarche RSE.
En jouant la carte de la responsabilité sociétale, offrir, par exemple, un abonnement en Vélib' à 29 €, plutôt qu'un plein à 60 € aurait été plus économique et plus responsable.
Ou encore, inventer un slogan comme "du carbone sur mes doigts, pas dans mon nez".

La réalité à géométrie variable selon le joaillier
Bref, une belle occasion ratée. Comme si le low-cost, fut-il low-luxe, devait systématiquement rimer avec "low-communication". Peu créative, peu chère, peu connectée aux évolutions de la société et peu efficace.

"Votre rêve devient réalité", c'est ce qu'affirme Mauboussin pour justifier cette promo.
La réalité, elle est comme le diamant, elle a plusieurs facettes. Il serait temps de s'en rendre compte pour un groupe de cette visibilité. 
Tiens ! Je parie ma gourmette de premier communiant que ROI de cette opération ne dépassera pas le prix d'une Trabant d'occasion !

Pour un peu, je m'en réjouirais…

dimanche 23 septembre 2012

OGM, un scandale… de communication

Une étude sur une possible toxicité des OGM fait grand bruit ces temps-ci. 
Et comme toujours dans de pareils cas, l'émotion s'affiche en grand et les décisions hâtives sont promptement dégainées.
Pourtant, à mieux y regarder, nous sommes bien dans des mécaniques de communication utilisant des ficelles bien visibles.
Pour ne pas céder au prêt-à-penser et aux réactions à chaud, quelques remarques d'un non-scientifique, mais qui je l'espère, vous aideront à aborder cette affaire avec le recul nécessaire.

Le principe de précaution

Les OGM en France et en Europe sont soumises au sacrosaint principe de précaution. Invention récente mais terriblement efficace quand il s'agit de bloquer l'innovation. Donc le progrès.
Bref, parmi l'arsenal prévu dans ce principe, la conduite de tombereaux d'études régulières pour mesurer les divers impacts. Mais surtout, le financement public de ces études. Pratique dettogène certes, mais supposée garantir l'impartialité de celles-ci.
Or, à date, aucune étude n'a démontré de toxicité des OGM. Pire, aucun résultat n'a été utilisé en support de décisions politiques, qu'elles soient européennes ou nationales. Tant il est préférable de suivre l'électeur plutôt que le scientifique… question de clientèle.

Or, que constate-t-on dans le financement de l'étude de Gilles-Eric Séralini ?… je vous laisse le découvrir.

Un coupable idéal

Monsanto ! L'alpha et l'oméga de l'entreprise détestable. Indéfendable. Méprisable. Coupable a priori et a posteriori.
Que n'a-t-on lu, vu, entendu sur cette multinationale américaine ? 
Du vrai bien-sûr, mais aussi du faux. De la rumeur, de l'amalgame, du hoax pour parler un bon français…  
Qui se risquerait à prendre "la défense" de Monsanto ?
Je ne prétends pas décerner un certificat de fréquentabilité de cette multinationale. Je dis juste que tirer sur cette ambulance (qui va bien merci), c'est intellectuellement pratique et mécaniquement efficace pour faire passer rapidement un message. 

Tiens ! Un livre à vendre…

L'article du Nouvel Obs, premier à ouvrir le feu, précise «En 2006, c’est comme un véritable thriller que commence cette recherche, dont le maître d’œuvre, Gilles-Eric Séralini, divulgue lui-même les conclusions dans un ouvrage à paraître la semaine prochaine ("Tous cobayes !", Flammarion, en librairie le 26 septembre)».
Quel heureux hasard de calendrier ! On en vient à regretter que les centaines de scientifiques obscurs, payés par les maigres deniers du contribuable n'aient pas plus que ça la fibre littéraire. Le débat y gagnerait.

En tout cas, si je devais vendre du papier -OGM ou pas-, c'est à dire un magazine ou un bouquin, je sais quel titre j'afficherais et quel calendrier je suivrais.
Visiblement je ne suis pas le seul dans ce cas…

Les politiciens, décideurs précoces par nature

C'est la conséquence de cette agitation qui me crispe le plus. 
Déjà les politiciens de tous bords ont fait ce qu'ils font de mieux, ou de pire : l'hyper-réactivité qui va dans le sens du poil de l'émotion populaire.
Déjà des lois s'écrivent dans l'ombre, déjà on ourdit l'interdiction, déjà on prépare l'affichage obligatoire… je sens même qu'une annexe à la conférence environnementale (ne parlez pas de Grenelle, c'est pas pareil et c'est peut-être un gros mot) est en gestation.
Cette posture, plus que classique, risque de bloquer, une fois de plus, la tenue du débat que les OGM méritent. Et indirectement sur une des options permettant de nourrir 10 milliards d'humains.

On peut, et on doit, le regretter. Car quelque fois, la communication, si bien orchestrée fût-elle, doit savoir se donner du temps et céder la place aux experts et à l'établissement de la vérité.
Uniquement la vérité.


Pour aider à vous forger une opinion, je vous invite à prendre 15 minutes pour écouter cet excellent débat tenu le 20 février dernier sur Europe1.
Des chiffres, des faits, des scientifiques peu enclin à à la starification et étrangers à la langue de bois.
Passionnant.
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Mise à jour du 24 septembre : 
Libération publie un article plutôt intéressant qui va dans le sens de ce billet.
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mardi 14 août 2012

Une RSE de malade mental !

Épisode tragi-comique de l'été, le groupe Bel, par sa marque Babybel à dû gérer un bad-buzz suite à une promotion appelée "des vacances de malade mental".
Comment est-ce encore possible ?

Opération de promo pour le moins mal acceptée par l'UNAPEI, une association représentative des parents de handicapés mentaux, qui a appelé au boycott des produits du groupe Bel.
Rapidement, la marque a du sacrifier au rituel de contrition de rigueur dans de tels cas : 
- excuses officielles
- retrait des produits en magasin
- promesse qu'à l'avenir, bla bla bla…

Et chacun imaginera bien ce qui s'est passé en interne :  
- évaluation de la perte financière et d'image
- désignation d'un ou plusieurs responsables
- et une agence qui doit se demander comment un concept au d'jeuns a-t-il pu subir pareille avanie !

Comment avoir pu oublier à ce point que le politiquement correct avait gagné !
L'idée n'est pas de discuter du bien fondé ou pas du conflit lui-même. Encore moins qui a raison ou tort.
Car cela fait bien longtemps qu'on ne peut plus employer certains mots, fussent-ils simples, ou certaines images.

Pour mémoire, vous et moi avons dans nos portefeuilles des "cartes électorales" au lieu d'avoir des cartes d'électeurs qui auraient -ô comble du machisme le plus vil- foulé au pied les électrices. Ou que le concept "d'apparence musulmane" a été récemment lancé, tant il est raciste de dire "arabe" qui, selon mes dernières informations, n'est toujours pas un mot grossier. 
Je passe sur les classiques : mal-entendant, mal-voyant, de petite taille, de couleur, senior, jusqu'à Mademoiselle qui n'a plus le droit de cité.

Nous sommes donc dans l'ère du politiquement correct et de la bien-pensance, enfants méprisables et polymorphes issus du croisement improbable entre le puritanisme et la judiciarisation à tout va.

Mais qui peut encore en douter ? Et passer outre ? Même (surtout) dans les agences de com, ça doit se savoir non ? 
Pour mémoire, regardez ce spot de Ford, daté de 1997. Oui 1997, l'époque des Francs, des pantalons taille haute et seulement 10 ans après la déclaration de Bruntland !
Hé bien cette pub avait été retirée des écrans parce que je ne sais plus quelle association interprofessionnelle de fabricants de futs métalliques avait estimé que l'image du fut (oui je sais ça donne envie de rire) était maltraitée par ce spot.
Pire ! Un tribunal lui avait donné raison.
1997… alors depuis le temps on devrait savoir. Ca doit même s'enseigner à Sup de Pub non ?

Mais que fait la RSE chez Bel ?!
Mais le vrai problème, à mon sens, n'est pas là.
Le problème, c'est que Bel affiche une démarche RSEQui inclut la communication responsable bien entendu.
Je ne prétends pas juger de la qualité de la démarche de Bel. À quel titre le ferais-je ?
Je suis même certain qu'elle est sincère, aux mains de personnes compétentes, portée par les plus hautes instances du groupe, etc.

Ce qui m'étonne -en fait non, pas vraiment-, c'est la certitude que j'ai que le service RSE n'ait pas eu accès en amont au projet de cette promotion.
Car si cela avait été le cas, je suis certain que Madame Gaulard, aurait dit quelque chose comme "attention les amis, parmi nos parties prenantes, il y a les consommateurs. Parmi les consommateurs il y a les handicapés. Parmi les handicapés il y a des handicapés mentaux. Parmi eux, certains ont même des parents pour qui c'est pas rose tous les jours… hmm, quelle palette de réponses donne-t-on si on nous interroge sur l'utilisation décalée, mais d'jeun's j'en conviens, de "malade mental" ? Préparons nos arguments, complétons la campagne par un don ou une action vers une association représentative… bref, calons une réunion pas trop tard pour être au clair avec notre RSE, en particulier notre action vers l'emploi handicapé".

Bon OK elle l'aurait dit mieux que moi. 
Mais je parie ma collection capsule de bières sibériennes que sa contribution à la com "responsable" (celle qui donne des réponses) aurait ressemblé à ça.

Je parie aussi que le service en charge de cette promo ne s'est même pas posé la question une seconde. Bah oui, chacun son métier non ? À la RSE le papier recyclé des copieurs, au marketing les idées… 
Bah non en fait. Cela prouve une fois de plus que la RSE n'est pas -encore ou assez- intégrée au business-model. Que les process vivent parallèlement.
Et qu'il y a quelqu'un, supposé manager l'ensemble qui a cautionné le tout.

Mais que fait la RSE chez Bel ?! 
Elle fait comme dans beaucoup d'entreprises françaises?
Elle cherche sa place. Elle continue de regretter de n'être consultée qu'en aval. D'être un truc très sympa, un peu obligé quand même, mais que le Président aime beaucoup, il l'a dit lors de la dernière convention pendant la semaine du développement durable.

Mais elle regrette surtout, que malgré les publications, malgré les séminaires, malgré les déclarations, pas grand monde ne comprenne que c'est de la culture et de la pratique des métiers dont il s'agit. Et que les engagements et les sites peuvent être le mieux faits au monde, une simple anicroche peut gâcher le travail de fond de plusieurs années.

Et en plus, on ne sait toujours pas pourquoi la Vache Qui Rit rit… un truc de ouf.
Oh pardon !…

samedi 14 juillet 2012

ISO 26000 pour la com : le début de la maturité ?

Depuis quelques mois, la norme ISO 26000, norme RSE s'il fallait encore le préciser, a été sectorisée pour être "accessible" aux métiers de la com. Prestataires et annonceurs. La dernière étape volontaire avant l'arme législative…

Pourquoi sectoriser ? 
Cette norme, qui ne ressemble à aucune autre, est en soi un véritable guide d'apprentissage et de compréhension d'une démarche RSE. Débutante ou déjà entamée.

Passer en revue les 7 questions centrales et leur application à une structure existante ne me parait pas d'une complexité rédhibitoire. 
Au "pire" un consultant peut faciliter le travail (j'en connais de très bons !).
Les professionnels de la communication ne seraient pas capables de faire cet exercice par eux-mêmes ?
Je ne prétends pas avoir raison. Je m'étonne simplement. 
Toute réponse sera la bienvenue sur ce point.

Plus aucune excuse !
Du coup, le monde de la communication, si lent à intégrer la RSE, n'a plus vraiment d'excuse pour adopter ce business-model. En tout cas pas de bonne :
  • Les annonceurs (ceux qui pèsent) sont déjà impliqués dans une démarche de RSE et font logiquement pression sur leurs prestataires ;
  • les outils existent ;
  • les parties prenantes sectorielles sont particulièrement attentives aux évolutions attendues ;
  • le contexte économique (je ne parle jamais de crise) se prête plus que jamais à la remise en question des modèles d'après-guerre (oui celle de 39-45 !).
Le moment de la maturité
J'observe plus particulièrement les agences -mes clients- et me prends à attendre d'elles des démarches novatrices en formulant un vœu simple :  arrêter pour de bon les "actions" qui desservent la RSE et la communication. 
Exemples choisis : 
  • le coq dans l'agence
  • la pelouse sur le toit (ou les champignons dans la cave)
  • le responsable DD en mode potiche, c'est à dire déconnecté du business
  • la prise de conscience au moment de la semaine du développement durable (si mal nommée…)
Pour s'intéresser plus aux aspects de responsabilité globale sur l'écosystème de l'agence. Et il est vaste !

RSE is not fun !
Il faut enfoncer le clou : ce n'est pas fun de conduire une démarche RSE.
C'est de la mesure, de la procédure, des objectifs, des moyens, des revues, des normes, des textes, de l'investissement en temps et en argent (hé oui !).

C'est modifier un modèle économique. Comme on a su le faire dans les années 90 pour la qualité ou 2000 pour le numérique.
Pas plus, pas moins.

C'est donc le moment de passer à une réelle maturité dans la démarche et se poser des questions intrinsèques au métier de la com. 
Pour en finir avec la réponse à l'unique et sacro-sainte question : "greenwashing ou pas" ?

C'est plus complexe… tant pis pour les coqs !


lundi 12 mars 2012

Heineken ouvre la voie

Fin décembre dernier, Heineken a mis en ligne une vidéo dont le message et la démarche sont particulièrement intéressants.


Celle-ci fait la promotion de la consommation responsable non pas de l'alcool en général, mais bien de la bière Heineken. En deux mots, la marque incite à moins consommer -ou ne pas surconsommer- ses produits.


Ce qui signifie que Heinekein : 

  • "refuse" le chiffre d'affaire généré par la consommation excessive
  • dépasse les différents cadres légaux en prenant l'initiative (de manière créative ce qui ne gâche rien !)
  • ne se cache pas derrière la seule responsabilité de ses consommateurs, qui, après tout, pourrait suffire.


Heineken fait acte d'une vraie démarche RSE car : 

  • elle répond aux attentes de nombre de ses parties prenantes (pouvoirs publics, consommateurs, lieux de consommation…)
  • elle innove en se montrant créative (c'est une habitude) et positive sur le sujet
  • elle gère son marché sur le long terme

Mieux, elle va sur le territoire d'un certain courage, assez délaissé par les marques, et suscite une forme de respect en suggérant le "sacrifice". 
Le tout en étant les premiers à communiquer sur ce sujet (Jack Daniel vient tout juste de lancer sa Drinking School).


Il serait intéressant de connaître les leviers marketing, car il y en a, qui ont présidé à cette prise de parole.
Par exemple, si le chiffre d'affaire généré par la surconsommation de bière est significatif ou pas. Et si la préférence que la marque cherche à créer compensera ou pas cette perte de revenu.


Mais, au delà de ces considérations, on ne peut s'empêcher de se demander pourquoi d'autres secteurs de la consommation "à risque" ne suivent pas cet exemple.


Le tabac par exemple. Un récent article du Monde pointait les pratiques hallucinantes des cigarettiers. Hallucinantes. On ne peut s'empêcher de penser -et je n'en suis pourtant pas familier- à une forme de complot mondial. 
A-t-on vu le début du commencement d'une initiative allant dans le même sens que celle d'Heineken ?…


Coca Cola, Ferrero ou d'autres fabricants de snacks, qui cumulent utilité nutritionnelle plus que discutable (et je suis gentil), responsabilité évidente dans les problèmes d'obésité ou de diabète et comportements environnementaux critiquables (huile de palme) pourraient, eux-aussi, prendre l'initiative d'un discours audible et massif sur "consommez moins, consommez mieux".
Curieusement, ils sont plus que timorés sur le sujet, préférant, comme Coca Cola, structurer un discours de "développement durable" autour des seuls aspects environnementaux/recyclage, plutôt que sur l'intégralité de leur responsabilité. Quel courage !


L'idée, faut-il le préciser, n'est pas d'interdire ou, une énième fois, de légiférer inutilement. Laissons au marché le soin de juger du service rendu ou de la pertinence d'un produit. A supposer que le marché ne soit pas truqué (voir article sur le tabac).
Mais bien d'exiger, de peser sur ces marques pour qu'elles intègrent la RSE dans leur business-model et que leur service marketing se pose les, ou la, bonne question : comment générer plus de valeur avec un modèle de développement responsable sur le long terme ?


Un challenge autrement plus intéressant que la course à plus de litres ou de kilos par habitant et par an !